Cette bande dessinée d’Emmanuel Lepage fait suite à autre livre illustré sorti en 2008, « Les fleurs de Tchernobyl : Carnet de voyage en terre irradié », et est en quelque sorte son making-of.
Le récit s’ouvre sur un long périple en train qui mène l’équipe de dessinateurs de France jusqu’à Kiev. C’est l’occasion d’un rappel très approximatif du déroulement de la catastrophe de Tchernobyl
où faits et rumeurs se mélangent allègrement. Tout au long du trajet on voit également Emmanuel Lepage réviser son catéchisme : « La Supplication » de Svetlana Alexievitch.
Un petit aparté s’impose sur ce livre. Il s’agit certes d’un essai d’une qualité remarquable, dont la lecture ne peut laisser indifférent. Cependant il est important de comprendre que les monologues qui y sont rapportés, même s’ils dérivent d’entretiens réels, ont été lourdement réécrits pour servir l’ambition artistique de l’auteur. Des centaines de témoignages recueillis seuls les plus poignants ont été retenus, puis ceux-ci ont été modifiés, réarrangés et au besoin émaillés d’images très crues afin d’en accentuer l’effet dramatique. Les personnes interrogées sont authentiques, mais les récits qui leurs sont attribués ne le sont que très partiellement. Cette ambiguïté est bien sûre voulue et entretenue par l’auteur, mais on ne peut pas non plus parler de malhonnêteté puisque celle-ci n’a jamais prétendu avoir produit un travail d’enquête. Selon les propres mots de Svetlana Alexievitch, « ce n’est plus journalisme, mais de la littérature ».1 Il ne faut donc surtout pas prendre tout ce qui figure dans ce livre au pied de la lettre. Fin de l’aparté.
- « Du bon et du mauvais usage du témoignage dans l’œuvre de Svetlana Alexievitch », Galia Ackerman et Frédéric Lemarchand, revue Tumultes n° 32-33, 2009 [↩]